Je crois, dit-il, qu’un pétale de fleur ou un vermisseau sur le chemin contient et révèle beaucoup plus de choses que tous les livres de la bibliothèque entière. Avec des lettres et des mots on ne peut rien dire. Parfois j’écris une lettre grecque quelconque, un thêta ou un oméga, et je n’ai plus qu’à tourner un tout petit peu la plume ; voilà que la lettre prend une queue et devient un poisson et évoque en une seconde tous les ruisseaux et tous les fleuves de la terre, toute sa fraîcheur et son humidité, l’océan d’Homère et les eaux sur lesquelles marcha saint Pierre, ou bien la lettre devient un petit oiseau, dresse la queue, hérisse ses plumes, se gonfle, rit et s’envole. Eh bien Narcisse, tu ne fais sans doute pas grand cas de ces lettres-là ? Mais je te le dis, c’est avec elles que Dieu a écrit le monde.